Truite de mer

La truite commune (Salmo trutta) présente une grande plasticité écologique démontrée par l’existence de 3 écotypes, dont la truite de mer (Salmo trutta trutta) est la forme migratrice de l’espèce. Comme le saumon atlantique, la migration est anadrome, les individus grossissant en mer et se reproduisant en rivière.

Description de l’espèce

D’une manière générale, la truite présente un corps fusiforme, une forte tête avec une bouche largement fendue, une grande nageoire caudale faiblement fourchue, ainsi qu’une nageoire adipeuse commune à tous les Salmonidés. Les adultes de cette espèce peuvent rester en rivière, aller grossir en mer ou grossir en lac selon les contextes, ce qui définie trois écotypes distincts (truite fario, truite de mer et truite lacustre). Les juvéniles des 3 formes écologiques sont indissociables au niveau morphologique. La robe de la truitelle est d’aspect métallique, avec un dos gris-bleuté, des flancs argentés accompagnés de marques verticales caractéristiques. Au stade adulte, la forme marine, plus trapue, arbore une livrée argentée ponctuée de taches noires souvent cruciformes. Au moment de la reproduction, les couleurs de la robe s’intensifient et s’assombrissent.

Comme pour le saumon, la taille dépend de la durée du séjour marin. La truite de mer adulte peut atteindre une taille d’un mètre pour une dizaine de kilogrammes.

En raison d’un fort attrait pour sa pêche, la truite a fait et ne cesse de toujours faire l’objet de nombreuses introductions, même si son aire de répartition originelle reste vaste. La truite commune se retrouve dans toute l’Europe jusqu’aux chaînes de l’Oural et du Caucase, et au Moyen-Atlas en Afrique du Nord. En France, la forme marine est principalement présente sur les cours d’eau de la façade de la Manche.

Sur le bassin Seine-Normandie la truite de mer est présente sur la majorité des fleuves côtiers, avec les populations les plus remarquables dénombrées sur la Touques (4 400), la Bresle (900) et l’Orne (400). Même si l’Arques et ses affluents font au même titre que le saumon atlantique remonter d’importants témoignages de captures et de reproduction, aucun dispositif de comptage ne permet d’en estimer la fréquentation.

Là aussi ce Salmonidé migrateur est présent dans la Seine avec des effectifs annuels supérieurs à ceux du saumon atlantique. Tout comme ce dernier la truite de mer y rencontre les mêmes limites et contraintes, si l’espèce remonte et se reproduit sur quelques affluents estuariens au linéaire réduit et capacités d’accueil limitées, sa reproduction à l’amont de l’estuaire ne sont toujours pas avérés, même si elle a été observée à plusieurs reprise jusqu'à 450 km de la mer.

Les apprentissages vitaux : la prise de territoire

Après l’émergence, les alevins développent un comportement territorial. Les premiers comportements agressifs entre individus  se révèlent à l’occasion de rencontres lors de la recherche des meilleurs postes disponibles sur la frayère. Cette compétition conduit à la mise en place d’une mosaïque de territoires, articulés autour d’un poste de chasse et de son environnement visuel direct. Sur une zone au substrat grossier et diversifié permettant une isolation visuelle entre les individus, le nombre de territoires, par conséquent la capacité d’accueil, est augmentée comparativement à des habitats similaires mais au substrat plus homogène. Un système de hiérarchie se met en place, dans lequel les plus dominés meurent ou dévalent à la recherche d’emplacements inoccupés.

Les habitats des juvéniles

Les truitelles recherchent les mêmes secteurs à la granulométrie grossière, composées de pierres et de galets, que les juvéniles de saumon, mais en revanche, affectionnent préférentiellement les milieux plus profonds, plus ombragés et aux vitesses de courant plus faibles (environ 20 cm/s). Elles sont par conséquent plus inféodées à la présence d’abris et s’installent donc généralement près des berges.

Dans le cas d’occupation commune d’un même secteur par les deux espèces, les truitelles, en raison d’un comportement plus agressif, à taille égale, dominent généralement les juvéniles de saumon, qu’elles chassent des zones favorables aux deux espèces, les reléguant ainsi sur les milieux à plus fort courant, pour lesquels ces derniers sont mieux adaptés.

La dévalaison (mars-mai)

Comme pour le saumon atlantique, les juvéniles de truite de mer mettent en place au cours de la dévalaison, des mécanismes d’adaptation au milieu marin. Ce phénomène de smoltification conduit à des changements morphologiques (forme, livrée), physiologiques (osmorégulation - tolérance au sel) et comportementaux (arrêt du comportement territorial) afin de se préparer à la vie marine.

Remarque : contrairement au saumon, chez lequel la majorité des individus dévaleront la rivière pour rejoindre le milieu marin, une partie des juvéniles de truite de mer resteront sédentaires (25%) lesquels seront en majorité constitués de mâles tandis que les trois quarts qui migreront (75%) seront principalement des femelles. La stratégie de l’espèce visant à faire passer préférentiellement les femelles en mer permet aux géniteurs revenant de leur séjour marin d’une taille supérieure à leurs congénères restés en rivière de déposer davantage d’œufs, plus gros, avec un meilleur taux de survie sous graviers, desquels émergeront des alevins plus grands, dominants et qui occuperont alors les meilleurs postes.

La maturation/montaison (avril-janvier)

La truite de mer effectue des migrations côtières sur le plateau continental dont les plus lointaines atteindront la Mer du Nord. Les géniteurs remontent en rivière pour leur première reproduction après une période de croissance marine assez variable : seulement quelques mois pour certains d’entre eux appelés « finnock », dont les matures participeront à la reproduction tandis que les autres retournerons en mer, jusqu’à 3 ans pour les plus gros spécimens.

Au cours de sa migration côtière la truite de mer réalise fréquemment des incursions en eau douce, remontant ainsi l’aval de certains fleuves, lui permettant aussi de se débarrasser de certains parasites marins. Ce comportement « finnock » se retrouvera marqué sur ses écailles après lecture par scalimétrie.

A l’instar du saumon atlantique, les truites de mer retournent dans leur rivière d’origine avec un homing relativement fidèle mais qui là encore peut présenter quelques défaillances selon les contextes hydrographiques.

La reproduction (décembre-janvier)

Le sex-ratio de la truite de mer est en faveur des femelles, qui peuvent se reproduire avec les mâles résidents. La ponte s’effectue sur les radiers des parties moyennes et amont des cours d’eau, au substrat grossier et non colmaté. Les adultes aménagent, dans les zones les plus courantes et oxygénées, des nids de cailloux et de graviers sous lesquels la ponte est enfouie. Les œufs éclosent au printemps après une incubation de 400 degrés-jours environ. La survie des adultes après le frai est assez forte (30 à 50 %). La truite peut donc se reproduire plusieurs fois au cours de sa vie. L’analyse scalimétrique de certains gros individus a montré jusqu’à 7 marques de frai.

Liste rouge

La truite est présente dans la liste rouge de l’UICN et est considérée comme sujette à « Préoccupation mineure » aux niveaux mondial et français.

 

EX : Eteint dans la nature  -  RE : Disparu de France métropolitaine  -  CR : En danger critique d’extinction  -  EN : En danger  -  VU : Vulnérable  -  NT : Quasi-menacé  -  LC : Préoccupation mineure  -  DD : Données insuffisantes   -  NA : Non applicable (Taxon introduit, en limite d’aire…)

 

Protection nationale

  • Arrêté ministériel de biotopes du 08/12/1988 : Liste des espèces de poissons protégées, article 1 : mise en, réserve de naturelle et protection de l’habitat

 

Programmes et plans de gestion

  • Plan de gestion des poissons migrateurs du bassin Seine-Normandie (PLAGEPOMI)

Sur le bassin Seine-Normandie, la pêche de la truite de mer est autorisée sur les parties des cours d’eau classés « Truite de mer » (bassin de l’Arques, Bresle, Yères, Scie, Sâane, Durdent, Valmont, Seine, Austreberthe, Rançon, Andelle, Eure, Risle, Touques, Dives, Orne, Seulles, Vire, Douve, Saire, Sinope, Sienne, Thar, Sée et Sélune). La taille minimale de capture est fixée à 35 cm (Art. R436-62 du Code de l’Environnement).

Les périodes d’ouverture pour la pêche de la truite de mer sont fournis dans le tableau de synthèse suivant :


Période d’ouverture de la pêche de la truite de mer dans les départements du bassin Seine-Normandie

 

Par ailleurs, un certain nombre d’arrêtés limite ou interdit la pêche des poissons migrateurs en aval de la LSE.


Textes limitant ou interdisant la pêche des poissons migrateurs en aval de la Limite de Salure des Eaux (LSE) sur le bassin Seine-Normandie

 

Vous trouverez ci-joint le bilan des déclarations volontaires de captures de truite de mer (Salmo trutta trutta) en 2019 : Lien