Observatoire des migrateurs normands

Vous trouverez sur cette page un état des lieux des connaissances sur les poissons migrateurs en Normandie. Sont concernés les grands migrateurs amphihalins, mais aussi les «petits migrateurs» englobant 3 espèces supplémentaires : Le Mulet Porc, L’Eperlan et le Flet commun.
Ce document vise à évaluer la qualité et la quantité de la diversité biologique à l’échelle de la Normandie en se basant sur différents types d’informations et d’indicateurs et en cherchant à répondre à différentes questions : Quelle est l’étendue de la connaissance sur les migrateurs ? Comment évolue l’état des populations ? Quels sont les pressions qui peuvent impacter ces espèces ? etc.
Afin de réaliser ce document, un bilan et une mobilisation importante des données que possède l’association, et ses partenaires (fédérations adhérentes, Office Français pour la biodiversité) ont été nécessaires. Notamment des informations provenant des réseaux de pêches électriques, de suivis de frayères et issues des stations de contrôle des migrations ont été mobilisées. Grâce à ces données, une série de nouveaux visuels et d’indicateurs portant sur la répartition des espèces ; les diversités spécifiques départementales ; les comptages au STACOMI ; les niveaux de prospections et les lacunes de connaissances ont été développés à l’échelle normande.
 

Les espèces

7 espèces amphihalines visées par le Code de l’Environnement sont actuellement présentes sur ce territoire : Le Saumon atlantique, la Truite de mer, l’Anguille européenne, la Lamproie marine, la Lamproie fluviatile, la Grande Alose et enfin l’Alose feinte. L’Alose feinte reste généralement dans les estuaires ou en aval des hydrosystèmes.  Sur ces 7 espèces présentes en Normandie, 4 ont un statut national de menace fort.

 

3 autres espèces migratrices sont présentes en Seine-Normandie : le Mulet porc, l’Eperlan européen et le Flet commun. Ces espèces effectuent des migrations trophiques et se distinguent donc des grands migrateurs précédemment cités dont la migration est indispensable à l’accomplissement de leur cycle de vie. Ces espèces ne font l’objet d’aucun suivi spécifique en Normandie, contrairement aux grands migrateurs. Leur statut de menace national est considéré comme moins alarmant.

Enfin, l’Esturgeon européen était une espèce également présente sur le bassin Seine-Normandie, puis considérée disparue par l’UICN au niveau régional depuis plus d’un siècle à cause de la surpêche et de l’artificialisation de la Seine notamment (perte d’habitats et obstacles à la migration).

Contexte géologique

La Normandie est composée de différents sols géologiques. La partie ouest de la Normandie est constituée de rivières de socle ancien à majorité granitiques. La partie est de la région est principalement constituée de rivières calcaires (bassin de la Seine et fleuves côtiers). Ces deux entités représentent des rivières typiques favorables aux salmonidés migrateurs : les rivières granitiques pour le Saumon atlantique et les rivières calcaires pour la Truite de mer. De plus, la Normandie possède une diversité de milieux globalement favorables à l’ensemble des espèces amphihalines présentes en France.

 

Les données récoltées sur les poissons migrateurs à l’échelle des cours d’eau de Normandie (partie marine non abordée ici) proviennent de différents suivis et ciblent différentes espèces à certains stades de leur cycle de vie:

- Les observations réalisées par suivi de pêche représentent près de 140 000 captures. La majorité des données sont récoltées lors des pêches électriques en Normandie (93 600 en suivis spécifiques et 44 400 en pêches d’inventaires). La Lamproie fluviatile et la Grande alose sur ces suivis sont peu rencontrées. Au contraire, le Saumon atlantique et l’Anguille européenne représentent la majorité des données par pêche, spécifique ou en inventaire piscicole.

- Les Suivis de frayères (comptages des nids ou observations de reproduction) représentent près de 7000 observations et concernent les salmonidés, les lamproies et les aloses. Ces comptages représentent une part importante des données concernant des espèces peu rencontrées en pêches (Truite de mer et Lamproie marine).

- Les Stations de Contrôle des Migrations (STACOMI) permettent le contrôle et le dénombrement des poissons au niveau de dispositif de franchissement. 7 STACOMI en Normandie sont en fonctionnement sur 6 bassins versants (voir détails p.7). Ces données représentent le plus gros volume d’observations avec près de 1 500 000 individus comptabilisés, dont près de 90% des individus sont des anguilles. Le Saumon atlantique est l’espèce la moins rencontrée sur les stations (moins de 1% des données totales).

- Sur l’ensemble des données, l’Anguille européenne est l’espèce la plus largement observée. Cette espèce représente 90% des données.

Sur l’ensemble de ces suivis, près de 2 millions de données ont été récoltées sur les cours d’eau de Normandie à ce jour sur près de 40 ans.

 

 

 

Répartition régionale et départementale

Le nombre d’espèces inventoriées sur l’ensemble des départements est globalement homogène, avec 6 espèces présentes par département sur les 7 grands migrateurs (7 avec l’Alose feinte) suivis à l’exception de l’Orne qui en comptabilise 4. Le département de l’Orne, montre un niveau de colonisation plus faible.  En effet, ce dernier possède une partie sud rattachée au bassin versant de la Loire qui est plus éloignée de la mer et située en tête du bassin versant (zone la plus amont près de la source). Ce département est le seul à ne posséder aucune façade maritime et accueille uniquement des anguilles adultes. Les bassins versants majeurs se trouvant à l’ouest du bassin sur le sol granitique comme la Vire ou la Sélune abritent un plus grand nombre d’espèces. En effet, ce milieu favorable aux salmonidés présente également les conditions pour accueillir les aloses, les lamproies et l’anguille. Sur la partie est, la distribution des espèces est plus hétérogène selon les bassins. L’axe Seine, depuis sa réouverture progressive et l’amélioration de la qualité de l’eau, permet l’accès à 6 grands migrateurs. L’absence d’espèces migratrices hormis l’anguille sur certains bassins comme l’Yères en Seine-Maritime (76) peut s’attribuer à des points de blocage (barrages) encore persistants qui rendent inaccessibles les cours d’eau en amont à toute espèce migratrice piscicole. L’Anguille européenne étant plus ubiquiste, sa présence est avérée sur l’ensemble des départements et des bassins versants de Normandie.

 

Tableau de présence / absence des espèces à l'échelle du département par bassin versant majeur : 

 

 

Diversité spécifique départementale et par bassin versant majeur dans les cours d'eau de Normandie

Etat des populations de poissons migrateurs : indices d'abondances et évolutions associées

Les STAtions de COntrôle des MIgrations ou STACOMI sont des dispositifs fixes qui permettent de comptabiliser le nombre de poissons qui passent par ces points du bassin. Equipées de caméra ou de cage-piège généralement, ces dispositifs sont conçus pour inciter les poissons à passer progressivement dans des bassins et permettre ainsi le comptage, la mesure et l’identification de chaque individu à l’intérieur de la passe. Indicateur majeur dans le suivi et la gestion des populations de poissons migrateurs, le nombre d’individus remontant les fleuves après un séjour marin (individus géniteurs pour les anadromes, ou juvéniles pour les catadromes) constitue une estimation précieuse des abondances continentales des poissons migrateurs. En Normandie, 8 dispositifs sont actuellement en place sur 7 bassins versants différents, généralement à proximité de la confluence avec la mer. > Plus d'informations sur les STACOMI. 

Localisation des Stations de Contrôle des Migrations sur le bassin Seine-Normandie en 2022 :

 

Evolution de l'abondance des principales espèces migratrices aux STACOMI

Le Saumon atlantique et la Truite de mer sont suivis sur l’arc normand (partie Ouest du bassin) depuis 40 ans. Leurs effectifs sont globalement à l’augmentation sur cette chronique. Ces tendances peuvent s’expliquer par une amélioration globale de la continuité écologique. Sur les dernières années cependant, les effectifs des deux espèces sur l’arc normand sont en baisse, sans explications avérées (conditions hydrologiques plus difficiles et qualité de l’eau en baisse notamment). Sur la Seine, ces deux espèces sont peu rencontrées et leur tendance depuis 2008 est mauvaise, avec une baisse des effectifs quasi-continue. Sur les dernières années, les effectifs ont chuté de 50% pour le saumon et se stabilisent pour la truite. Les individus s’engageant en Seine n’ont aucune zone de reproduction accessible, et l’évolution de ces effectifs en Seine est difficile à expliquer aujourd’hui.

Sur l’ensemble des chroniques, la Grande alose a vu ses effectifs varier fortement sur le bassin, sans facteur explicatif avéré. Sur l’arc normand, des effectifs très forts ont été retrouvés notamment en 2007 et 2015 avec plus de 6000 individus. Sur les dernières années, les effectifs sont à la baisse à l’ouest du bassin et suivent la tendance nationale alarmante. En Seine, les effectifs de Grande alose sont en forte augmentation depuis 2017 avec plus de 2000 individus en 2019. Cette tendance à la hausse en Seine serait à mettre en lien avec l’amélioration globale de l’accessibilité du bassin et de la qualité de l’eau. L’hypothèse d’un décalage de l’aire de répartition de la Grande alose vers le Nord du au réchauffement climatique n’est pas à écarter. Toutefois, les chiffres sur la Seine sont faibles par rapport au potentiel d’accueil du bassin et seule une chronique plus longue confirmera ou non cette tendance positive jusqu’à 2019.

Les effectifs de Lamproie marine ont une chronique de données similaire à ceux de l’alose. De grosses variations d’effectifs se retrouvent en Seine et sur l’arc normand, pouvant être liées à des variations naturelles interannuelles de l’espèce. Globalement en Normandie depuis 5 ans, la lamproie a vu ses effectifs chuter brutalement de 95 à 124%. C’est l’espèce qui a aujourd’hui la plus grosse perte d’individus aux Stations de comptage en Normandie, sans explication claire.

 

La chronique de données de l’Anguille européenne est plus courte que les autres sur la Seine, due à la mise en service plus récente de passes spécifiques pour cette espèce. Sur l’arc normand (rivière index Bresle), les effectifs ont largement chuté dans les années 90 et sont devenus globalement stables après 2000. Ces effectifs sont en cohérence avec la tendance nationale de l’espèce. Une tendance à l’augmentation est perçue depuis 2016 (+ 36%). Sur la Seine, la mise en service d’une deuxième station à Poses en 2018 (sur la rive droite a permis le passage de plus de 500 000 individus cette année-là. Sur les deux stations en Seine, les effectifs ont chuté sur les dernières années. Aucune tendance ne peut être estimée sur ces années actuellement.

 

Tendance récente (2016-2019) des espèces migratrices sur les STACOMI en Normandie : 

 

Les Indices d'Abondances : Indice mono-spécifique

Les indices d’abondance piscicoles représentent un réseau d’observations qui renseigne de l’état des populations locales au moyen de pêches électriques annuelles. Ces inventaires sont réalisés selon un protocole standardisé et reproductible, sur des portions de cours d’eau définies appelées « stations ». Les stations sont choisies sur différents cours d’eau où la présence de l’espèce ciblée est avérée ou fortement suspectée Ainsi, pour le Saumon atlantique notamment, certains bassins versant (rivières calcaires) ne sont pas prospectés et ne possèdent aucune station, étant identifiés comme à faible enjeu malgré la présence éparse de quelques individus.

Saumon atlantique

Le Réseau saumon représente un outil de suivi par pêche électrique des juvéniles de Saumon atlantique, indispensable pour estimer l’évolution du recrutement annuel de cette espèce depuis 2000. Il est composé d’environ 150 stations de pêche réparties sur deux zones distinctes, l’une couvrant la Normandie occidentale (socle ancien) et l’autre plus récente sur la Normandie orientale (rivières calcaires). Au fil des années, le réseau normand s’est étoffé et l’effort d’échantillonnage est aujourd'hui plus important (voir détails p.27). Après une vingtaine d’années, les résultats sont positifs mais encore inférieurs aux potentiels régionaux d’accueil. L’abondance moyenne (nombre moyen d’individus par station) globale dans le bassin Seine-Normandie évolue positivement sur l’ensemble de la chronique (+ 11% en 20 ans sur le socle ancien). Les conditions environnementales (qualité et quantité d’eau) extrêmes sont cependant plus courantes ces dernières années et peuvent en partie expliquer les derniers chiffres plus faibles. Les rivières calcaires sont naturellement moins adaptées et attractives pour l’espèce et la mise en place du suivi y est plus récente. L’indice saumon en rivières calcaires est ainsi attendu plus faible et doit être interprété en conséquence.

Evolution des abondances sur le socle ancien

 

Evolution des abondances sur le socle calcaire

 

La majorité des individus retrouvés sont ainsi localisés sur la partie ouest du bassin (socle ancien), principalement dans la Manche. Le reste des juvéniles se retrouvent principalement dans le Calvados et la Seine-Maritime. A l’échelle des bassins versants, la Sienne, la Sée et la Sélune (50) se démarquent toujours et présentent de bons résultats, à l’augmentation sur les dernières années. Sur ces cours d’eau, 3 fois plus d’individus sont en moyenne retrouvés par rapport au reste des stations. Le bassin de la Vire (50) représente également un bassin à forte abondance en juvéniles avec cependant une tendance à la baisse de l’abondance moyenne depuis 2016. Les conditions environnementales extrêmes sont plus courantes ces dernières années et peuvent avoir contribué à cette baisse du recrutement.

Les petits bassins du Nord de la Manche comme la Saire, la Sinope et la Divette représentent des bassins à faibles productions en juvéniles de saumons (1 individu en moyenne par station). Cette faible abondance sur la Divette modère la forte d’augmentation depuis 2016, étant passée de 1 à 2 individus par station. Le cas est similaire en rivières calcaires sur la Varenne en Seine-Maritime (76), qui produit peu mais qui a eu également une plus forte abondance sur ces années en juvéniles de saumons. Ces petits bassins subissent généralement de plus fortes variations des conditions environnementales.

 

ANGUILLE : 

Le Réseau anguille représente un outil de suivi par pêche électrique des individus d’Anguille européenne en croissance dans nos cours d’eau. Cet outil est indispensable pour estimer l’évolution du recrutement et du nombre de géniteurs de cette espèce depuis 2010. Il est composé de près de 200 stations de pêche réparties sur les fleuves côtiers normands et sur des affluents aval de la Seine, dont le rythme de prospection est variable. Au fil des années, le réseau de suivi s’est étoffé et l’effort d’échantillonnage est aujourd'hui important.

Evolution de l'abondance en anguille européenne sur le réseau fixe (à effort d'échantillonnage constant)

L’abondance moyenne globale diminue depuis 2010. Deux tendances distinctes sont toutefois observées. D’une part, le nombre de juvéniles (<150 mm) augmente légèrement. D’autre part, le nombre d’individus plus âgés (pré-géniteurs) diminue fortement, où leur abondance moyenne a été divisée par deux depuis 2010. Cette diminution est due à un non-remplacement des individus matures partis vers la mer ou morts sur la zone de croissance. Ce non-remplacement est induit par une arrivée de jeunes individus trop faibles ou à croissance rendue trop difficile, ne permettant pas un renouvellement suffisant.

Abondance moyenne par station des juvéniles (à gauche) et pré-géniteurs (à droite) - 2010-2022

 

Pour les bassins inclus dans le réseau fixe comme dans le réseau tournant, les bassins de l’ouest de la Normandie (50 et 14) sont représentés par des stations avec une forte à très forte abondance moyenne, comme la Vire et l’Orne (63 et 39 individus respectivement en moyenne annuelle sur 2016-2020). Sur les bassins du Réseau fixe (prospectés annuellement), les abondances sont majoritairement à la baisse. Par exemple, la Vire subit une tendance à la baisse de l’abondance moyenne depuis 2016. Seuls deux bassins montrent une forte augmentation du nombre d’anguilles sur les 5 dernières années : la Scie (76) et l’Orne (14). De plus, l’augmentation de l’abondance moyenne sur la Scie est en partie à attribuer à une opération de repeuplement en civelles réalisée entre 2016 et 2020.

Niveau d'accessibilité des cours d'eau : linéaires accessibles et colonisés

Le niveau d’accessibilité des cours d’eau est estimé à l’aide des suivis de la reproduction, des indices d’abondances mais également des STACOMI. En effet, l’observation directe d’individus en reproduction (aloses) ou indirecte au travers des nids permet d’estimer jusqu’où les espèces ciblées sont capables de remonter le cours d’eau sur chaque bassin.

Depuis la mise en place de buses estuariennes (Normandie orientale), l’artificialisation de nombreux fleuves (côtiers normands) ou encore la dégradation de la qualité de l’eau et des habitats fonctionnels pour les poissons migrateurs (Seine notamment), des efforts de restauration de la continuité écologique sur le bassin ont été entrepris depuis les années 1990. Ces efforts ont permis la reconquête, au moins partielle, de la majorité des cours d’eau Normands par les poissons migrateurs.

En effet à l’échelle de la Normandie, la grande majorité des cours d’eau du bassin sont actuellement colonisés ou fréquentés par au moins une espèce migratrice. Cependant, quelques cours d’eau sont encore classés inaccessibles comme l’Yères, la Scie, l’Iton ou la Charentonne, à l’est du bassin, car ils possèdent toujours des obstacles infranchissables. Également, la Drôme et l’Aure à l’ouest ne possèdent pas assez de données biologiques pour statuer de leur accessibilité piscicole. L’Ay possède également la mention « données insuffisantes » ayant un blocage dès l’entrée.

Dans le cas de la Seine, des facteurs jusqu’alors limitants comme la qualité de l’eau ne sont plus considérés comme rédhibitoires aujourd’hui. Certains des grands ouvrages de navigation se sont vus dotés de dispositifs de franchissement, permettant désormais la montaison sur plusieurs centaines de kilomètres de la Grande alose ou de la Lamproie marine notamment. Cependant, la navigation a rendu les zones de reproduction intermédiaires non fonctionnelles pour ces espèces. L’accès aux zones de reproduction des salmonidés est toujours impossible étant situées à l’amont d’obstacles infranchissables. Aujourd’hui, 45% du linéaire total de la Seine est accessible par les poissons, ce qui représente le plus grand linéaire du bassin avec 775 km.

Linéaires accessibles et colonisés en 2022 en Normandie par les poissons migrateurs (hors anguille)

 

En Normandie, des différences d’accessibilité se retrouvent entre les bassins mais également dans les espèces qui peuvent les coloniser. Des grands axes en Normandie occidentale comme la Vire, la Sée, la Sienne ou la Touques ont bénéficié d’efforts de restauration permettant l’accès à une grande partie de leur linéaire aux salmonidés et aux lamproies principalement. D’autres bassins comme la Risle, l’Austreberthe ou la Sélune possèdent encore des obstacles infranchissables, ne permettant l’accès qu’à une fraction de leur linéaire total.

Grâce à leurs capacités de franchissement supérieures, les salmonidés parviennent à progresser plus vers l’amont que les autres espèces. La Grande alose au contraire possède de plus faibles capacités de franchissement des obstacles que les autres migrateurs et des exigences écologiques propres qui limitent sa progression. On la retrouve essentiellement sur les parties basses de la Douve et de la Vire, mais aussi sur la Seine jusqu’aux portes de Paris.

Des travaux sont en cours sur les ouvrages aval de la Sélune et la Risle pour la restauration de ces cours d’eau. Également, des efforts récents d’aménagement permettent d’améliorer l’accès à certains bassins peu à moyennement ouverts comme l’Eure, l’Orne ou l’Andelle.

L’accès des migrateurs à l’amont de la Sarthe et de la Mayenne (affluents de Loire dans le département de l’Orne) est aujourd’hui impossible, compte tenu de la distance à la mer et du nombre d’ouvrages à franchir.

 

Fréquentation des linéaires par l'anguille selon leur classe de taille (> ou < à 30 cm).

 

Proportion du linéaire accessible (2022) par grande espèce migratrice pour chaque bassin versant majeur de Normandie (Salmonidés : saumon et truite)

En Normandie, une problématique au niveau de l’accessibilité des estuaires est à relever. En effet, des points de blocage sont encore existants, notamment en Seine-Maritime avec des estuaires massivement artificialisés abritant des ouvrages majoritairement non équipés (buses ou clapets), considérés comme pénalisants à très pénalisants pour le passage des poissons entre la mer et l’eau douce. Les migrateurs se retrouvent donc bloqués ou retardés à l’aval de ces cours d’eau pourtant aménagés sur une bonne partie de leur linéaire aujourd’hui. Les blocages ou retards induits, en plus de perturber les migrateurs et de potentiellement compromettre leur reproduction, les surexposent en mer à des prédateurs naturels ou à des actes malveillants (braconnage notamment).

Catégorisation de l'état des principaux estuaires et nature de l'obstacle rencontré en Normandie

Pression de prospection et lacunes de connaissance

En Normandie, environ 95% des bassins à enjeux migrateurs sont couverts par au moins 1 suivi régulier spécifique malgré une hétérogénéité dans la pression de prospection. La plupart des bassins de Normandie présente un manque de connaissance sur une à deux espèces comme dans la Manche ou en Seine-Maritime. Les bassins colorés en blanc représentent ici des petits bassins à faibles enjeux migrateurs (petits côtiers ou tête de bassin trop déconnectée comme la Sarthe). Le bassin de la Risle (Eure) est le seul de Normandie à être considéré comme sans lacune puisque l’ensemble des espèces présentes font l’objet de suivis. Enfin, 2 bassins sont fortement colorés comme la Dive ou l’Eure puisqu’ils ne possèdent pas de suivis ciblés sur 3 espèces potentiellement présentes sur leur territoire. En effet, ces bassins ont un niveau de lacunes plus élevé du fait de l’absence de données STACOMI, Indice Abondance ou suivi Frayères ou du fait de la potentielle reconquête récente par certaines espèces comme l’alose ou l’anguille encore peu documentées. Des évolutions aux cours des prochaines années vont apparaitre notamment avec la mise en place de deux stations de contrôle sur l’Arques et la Risle, mais également une extension des Réseaux d’indice d’abondance et de suivis frayères, permettant de réduire les lacunes sur les axes concernés.

Niveau de lacunes de connaissances par bassin versant en Normandie

 

Concernant l’effort de prospection au fil des années, le nombre de stations de pêche prospectées par an a progressivement augmenté (Indice Saumon, Indice Anguille, Pêche d’inventaire...). En effet, 5 fois plus de stations sont annuellement suivies en 2022 par rapport aux années 2000, soit environ 300 stations prospectées tous suivis confondus. Le nombre de cours d’eau prospecté annuellement en Seine-Normandie a augmenté également en doublant sur 20 ans, avec en moyenne 58 cours d’eau prospectés annuellement désormais. Cette tendance moins marquée s’explique notamment par le fait que l’évolution des Indices s’est traduite par une augmentation du nombre de stations au sein de mêmes cours d’eau prospectés les années précédentes.

 

Evolution du nombre moyen de stations et de cours d'eau prospectés annuellement (tous suivis confondus)

Synthèse

  1. En Normandie, 10 espèces de poissons migrateurs sont présentes : 7 grands migrateurs et 3 petits. A l’échelle régionale, leur statut de conservation est majoritairement défavorable. 6 espèces sont retrouvées par département, à l’exception de l’Orne, qui en comptabilise 4.
  2. Le volume de données utilisé ici correspond à plus de 2 000 000 d’observations, réparties sur plusieurs suivis différents depuis près de 40 ans. Plus de 42 000 observations sont à attribuer aux opérations de pêches et plus de 4 000 aux suivis de frayères. Le reste des données appartiennent aux comptages d’individus aux STACOMI, avec plus de 1 300 000 de données pour l’anguille.
  3. Les Indices d’abondance réalisés sur le saumon et l’anguille donnent une évolution populationnelle respective globalement mitigée. Les abondances des juvéniles de saumons évoluent positivement depuis 2001, sans pour autant atteindre les potentiels d’accueil du bassin. Les abondances en anguilles révèlent 2 tendances distinctes depuis 2010 :  évolution positive des jeunes individus & décroissance du nombre de subadultes et adultes. Concernant l’ensemble des espèces comptabilisées aux Stations de Contrôle des migrations, les abondances retrouvées sont majoritairement à la baisse ou stables. Les tendances retrouvées varient selon l’espèce mais également entre l’arc normand et la Seine.
  4. Les efforts de restauration de la continuité écologique en Normandie ont amené à la reconquête de la majorité des cours d’eau par les poissons migrateurs. 50 % des linéaires en moyenne sont accessibles et colonisables aujourd’hui. Certains cours d’eau restent encore imperméables comme l’Yères et la Scie, tandis que de grands bassins sont aujourd’hui accessibles sur la quasi-totalité de leur linéaire (Vire, Touques).Des points de blocage dans les estuaires normands persistent sur une bonne partie du bassin. La majorité des ouvrages pénalisants à très pénalisants sont concentrés en Seine-Maritime, dans des estuaires fortement artificialisés (perte de leur fonctionnalité). Ces buses estuariennes impactent fortement l’entrée des migrateurs dans les cours d’eau depuis la mer, et peuvent ainsi masquer une partie des effets positifs de la restauration des cours d’eau en amont. Ces ouvrages de par leur localisation et leur conception peuvent également impacter l’entrée en milieu marin des juvéniles.
  5. La majorité des bassins versants présents en Normandie font l’objet d’au moins 1 suivi spécifique. Toutefois, certains bassins ont un niveau de lacunes plus élevé du fait de l’absence de données STACOMI, Indice Abondance ou suivi Frayères ou du fait de la potentielle reconquête récente par certaine espèce comme l’alose ou l’anguille encore peu documentée, exemple du bassin de l’Eure. Des efforts seront à fournir sur ces bassins pour combler les lacunes et également accompagner le développement des espèces.
  6. Les cours d’eau normands bénéficient d’une forte capacité de résilience. Leur restauration par l’effacement d’ouvrages ou la restauration d’habitats fonctionnels se traduisent souvent par des réponses positives de la part des poissons migrateurs dans l’année qui suit la fin des travaux. Ces effets sur la biodiversité piscicole tendent à conforter les gestionnaires et partenaires dans le bienfondé des actions réalisées et à mener en Normandie.